L'idée de l'aventure chez Lancelot est partout. L’univers du héros arthurien est parsemé d’expériences et d’épreuves qui semblent lui être réservées : du lit défendu (« nul ne se couche s’il ne l’a mérité ») au gué périlleux, ainsi que dans le passage sur le Pont de l'Épée. Un manque ou élément perturbateur entraine l’aventure qui ne cesse de se renouveler au fil des rebondissements. L’ambiguïté du dénouement invite vers de nouvelles aventures, à l’infini.
Lancelot semble suivre une voie toute tracée, ce qu’il nomme « le droit chemin ». Le héros doit donc suivre la voie de ces aventures pour devenir un chevalier reconnu: c’est une sorte d’initiation au code chevaleresque et une validation de sa vaillance par le roi Arthur. Dans ce passage, l'aventure pour Lancelot est d'atteindre la tour dans laquelle son amante Guenièvre est emprisonnée, car la route à travers le pont est un vrai défi. |
Une idée particulière dans ce passage sur le passage du pont et celle de la foi en Dieu, ce qui mène Lancelot partout. « Seigneurs, je vous sais gré de vous émouvoir ainsi pour moi ; c’est l’affection et la générosité qui vous inspirent. Je sais bien que vous ne souhaiteriez en aucune façon mon malheur ; mais ma foi en Dieu me fait croire qu’Il me protégera partout : je n’ai pas plus peur de ce pont ni de cette eau que de cette terre dure, et je vais risquer la traversée et m’y préparer. Plutôt mourir que faire demi-tour ! » Cette citation montre qui la foi en Dieu inspire Lancelot à maintenir. Transpercé d'amour pour sa reine plus encore que par le tranchant de l'épée, Lancelot le serviteur épris reçoit simplement de Dieu le juste salaire de sa foi inaltérable et de sa fidélité.
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Un autre thème important dans les romans de l'époque médiévale est celui de l'amour courtois. Le chevalier est soumis exclusivement à la dame qu’il aime et vénère même si cet amour est impossible. L’amant est le vassal de la femme, ce qui suppose obéissance et fidélité. Il en perd raison et lucidité : « il perd toute notion de lui-même » et manque de périr en tombant par la fenêtre, en ne se défendant plus face à Méléagant. Ici, Lancelot entrepend tout danger afin de libérer Guenièvre, même s'il doit traverser le Pont de l'Épée, un lieu dangereux. Cela fait preuve de son amour pour la reine, mais aussi de son esprit aventureux. Bien qu'il est obligé de faire ce tour périlleux, il reste fidèle à son amante, l'amour est toujours supérieur. Ce qui est à remarquer est que cet amour entre Lancelot et Guenièvre est une liaison adultère, dont nous n'avans pas trace d'avant le récit de Chrétien.
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La dernière idée centrale dans ce texte est celle du merveilleux. Certains personnages sont issus de l’imaginaire comme une fée, les nains, le géant, etc. Certains lieux sont enchantés comme le lit qui s’embrase, la forteresse aux portes se refermant seules, le fleuve infernal, etc. Ce qui est pertinent pour ce passage est l'apparition des lions enchantés à Lancelot. Quand il regarde en arrière après avoir traversé le pont, ces animaux apparaissent d'être disparu.
Toutefois le merveilleux participe de la formation du héros: il a un sens symbolique qui illustre la formation du chevalier ajoutant poésie et rêve. Par exemple, Lancelot soulève une pierre tombale excessivement lourde, seul, « là où il faudrait sept hommes » : le moine témoin répand la nouvelle, ce qui réhabilite le héros déchu à cause de sa monture infamante. Dans le cas des lions sur le pont, c'est une représentation des difficultés imaginaires que l'âme de l'amoureux oppose à la force de son désir et qu'il lui faut dominer. |